Qu’a à dire le Joker de Phoenix à celui de Ledger ?

Incarner le Joker au cinéma a toujours été un énorme pari pour les acteurs. Pas seulement parce que le Clown du Chaos est un personnage au passé et à la psyché complexes, mais parce que les attentes des fans de Batman sont énormes et ont été largement attisées à mesure des interprétations.

De Romero à Phoenix en passant par Nicholson et Ledger, les acteurs ont successivement incarné une vision différente du Joker… et par la même de Batman et de sa Gotham.

Deux facettes et conséquences à la folie du Joker

Le Joker de Heath Ledger est un personnage à la logique implacable. Passionné et cohérent dans son absurdité, il incarne l’élément perturbateur et chaotique qui veut prouver que tout peut être sali et détruit. Il s’oppose à un Batman au sommet de sa puissance et obsédé par le contrôle. Un Batman et une Gotham qui se veulent réalistes quand ils sont en vérité toujours des archétypes fantasmés de héros et de cadre d’aventure.

Et c’est sur ces trois points que la proposition de Joachim Phoenix diffère radicalement : le Joker n’a pas d’idéologie. Il est réellement fou, abimé et on s’abime avec lui à mesure du film. Il n’est pas un élément extérieur qui va perturber une ville et un héros parfaits, il est un produit de ces derniers. Le Joker est une résultante de cette Gotham et de ce que les héros de celle-ci – les élites – font des « petites gens ».

Le Joker de Ledger prenait en otage les habitants de Gotham…

… quand celui de Phoenix se veut à la fois libérateur et porte-parole.

Si Batman est absent de ce film, son père, Thomas Wayne, incarne pourtant l’antagoniste principal. Comme s’il prenait la relève momentanée de son fils pour garder cette dualité essentielle à l’univers du comics. Mais cette fois-ci, ce n’est pas l’Ordre et le Chaos qui s’affrontent, mais bien les dominants et les dominés. Et, on pourrait le dire : les riches et les pauvres. Nous sommes en pleine lutte des classes.

Un jeu ultrasensible et poignant

Pour finir, la prestation de Joachim Phoenix est dans ce Joker de Phillips un travail d’immersion dans la tristesse et la misère. Si les deux acteurs se sont largement donnés pour leur rôle, Joachim Phoenix impressionne par son implication. Physique, pour commencer, où l’acteur se trouve particulièrement amaigri, mais également dans ces scènes de danse démente à la fois dérangeantes et fascinantes.

Ce Joker nous oblige à garder les yeux rivés à l’écran, nous donnant à de nombreuses fois envie de détourner le regard, de honte et de gêne. Mais il nous accroche, comme on peut l’être de façon tout à fait morbide et voyeuriste face à un personnage et un univers sans concession, et définitivement réalistes.

Parfois trop, et c’est sans doute ce phénomène d’identification qui est à l’origine du succès du film.

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